« L’IVG est mise au placard »

Publié le par PCF 67

 

  Social-Eco - le 4 Novembre 2010


Alors que la manifestation nationale pour le droit à l’avortement s’apprête à croiser samedi le cortège des retraites, Danielle Gaudry, militante au Planning familial, tire la sonnette d’alarme.


Quelles menaces pèsent actuellement sur le droit à l’avortement ?

Danielle Gaudry. Depuis 2009, la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) a instauré un souci de rentabilité particulièrement néfaste. La pratique de l’IVG étant peu rétribuée, elle se retrouve mise au placard dans bon nombre d’établissements victimes du paiement à l’acte. Quand on n’assiste pas à la fermeture pure et simple des centres spécialisés. En Île-de-France, le cas de l’hôpital Tenon est le plus emblématique, mais la restructuration touche l’ensemble des centres de plein fouet, par le biais de transferts d’activité ou de fusions. À chaque fois, ce sont autant de moyens qui disparaissent, de personnels non remplacés. Et le reste de la France n’est pas épargné. À Poitiers, à Perpignan ou à Lyon, les centres d’IVG sont relégués en périphérie, donc difficiles d’accès. Et c’est encore bien pire en milieu rural. Nos craintes sont donc loin d’être des fantasmes, les menaces sont bien réelles.

Si la capacité d’accueil est à ce point altérée, les délais d’intervention doivent augmenter démesurément…

Danielle Gaudry. Nous avons réalisé des tests fin octobre en Île-de-France. Auprès des établissements les moins réticents, il fallait compter trois semaines en moyenne. Vous imaginez les implications d’un tel délai sur une décision prise en urgence !

Et pour les plus réticents ?

Danielle Gaudry. Je n’ose même pas en parler. Disons que de plus en plus de femmes se voient contraintes d’aller avorter à l’étranger, en Espagne ou aux Pays-Bas, car à ce rythme, le cap des douze semaines est vite dépassé.

D’autant que ce délai, prévu par la loi Aubry, n’est pas toujours respecté.

Danielle Gaudry. Certains établissements refusent en effet de pratiquer l’IVG au-delà de dix semaines de grossesse. De plus en plus d’hôpitaux font un zèle dissuasif effrayant. Beaucoup refusent les mineures ou les obligent à fournir une autorisation parentale, ce qui va complètement à l’encontre de la loi Aubry. Et si les lobbies provie continuent d’étendre leur influence, ça risque de ne pas aller en s’arrangeant. Quand on voit que le Conseil de l’Europe vient de refuser, le mois dernier, de limiter l’objection de conscience chez les professionnels de santé, il y a de quoi se faire du souci. Jusqu’à présent, elle concernait essentiellement les médecins, qui pouvaient refuser de pratiquer l’IVG pour des raisons morales. Aujourd’hui, cette clause risque de s’étendre aux établissements publics, ce qui est très préoccupant.

Quelles mesures préconisez-vous pour faire appliquer la loi en France ?

Danielle Gaudry. Nous attendons que Mme Bachelot tienne ses promesses et oblige les agences régionales de santé à assurer cette fonction contraignante. Elle s’y est engagée en mars dernier, mais elle est sans doute trop occupée pour l’instant à restreindre l’aide médicale d’État…

La mobilisation de samedi va d’ailleurs bien au-delà de la seule défense de l’IVG ?

Danielle Gaudry. Les forces en présence seront multiples, à l’image des atteintes portées au système de santé. Les centres d’IVG sont bien sûr en première ligne, mais ce sont les hôpitaux publics dans leur ensemble qui sont concernés. C’est pour cela que la mobilisation est très importante. Il y aura des personnels médicaux et paramédicaux, qui voient leur activité complètement perturbée par la réforme hospitalière, mais aussi des syndicats, des partis politiques et des associations d’usagers. Tous sont très remontés, personne n’a perdu de vue la question des franchises, personne n’a oublié les fermetures des maternités de proximité : tout est lié.

C’est donc l’accès aux soins dans sa globalité qui est mis à mal ?

Danielle Gaudry. Nous sommes en pleine régression sur ce point. Et comme d’habitude, ce sont les plus précaires qui trinquent. Les femmes sans papiers par exemple. Beaucoup n’ont pas de couverture sociale et sont désormais obligées de fournir un chèque de caution pour pouvoir avorter.

Entretien réalisé par Flora Beillouin

Publié dans Luttes sociales

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